Information du patient: charge de la preuve inversée (!)(?)

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En vertu de la loi de 2002 relative aux droits du patient, le patient a droit, de la part de son médecin, « à toutes les informations qui le concernent et peuvent lui être nécessaires pour comprendre son état de santé et son évolution probable ». Tandis que ce principe est très clair, la question de savoir qui doit prouver le respect de cette disposition l’est beaucoup moins.

Selon certains, le médecin doit prouver avoir respecté cette obligation légale. Ils estiment qu’il est indispensable d’inviter le patient à faire signer un document « consentement éclairé » ou « informed consent » dans lequel l’information relative au traitement ou à l’intervention médicale est reprise en détail. La signature du patient fait preuve de l’information donnée.

D’autres estiment qu’en vertu du droit commun, le patient doit prouver la faute du médecin, et dès lors le fait que l’information qu’il a reçue n’était pas complète et correcte. Dans cette optique, l’établissement de documents « consentement éclairé » est plutôt à déconseiller, étant donné qu’ils ne sont pas nécessaires pour le médecin et peuvent même être invoqués contre le médecin.

Contrairement à la Cour de Cassation en France, notre Cour de Cassation a clairement tranché la question en faveur des médecins dans un arrêt du 16.12.2004. Selon la Cour belge, il incombe au patient de prouver que le médecin n’a pas respecté son obligation d’information à l‘égard de son patient. Depuis lors, la discussion s’est calmée et les cours et tribunaux belges ont respecté cette jurisprudence.

Suite à un arrêt de la Cour de Cassation belge du 25.06.2015, la discussion est relancée. La Cour devait se prononcer au sujet de l’obligation légale, dans le chef d’un avocat, d’informer son client concernant son droit éventuel à l’assistance judiciaire, et a tranché cette question en faveur du client. Cet arrêt a relancé dans la doctrine la discussion relative à l’obligation d’information du médecin à l’égard de son patient. Certains plaidaient pour une application « par analogie », d’autres étaient d’avis que la Cour n’avait aucunement l’intention de modifier sa décision de 2004 en ce qui concerne l’obligation d’information du médecin.

Entre-temps, les premiers jugements et arrêts ont dû se prononcer au sujet de l’application de cet arrêt de 2015 dans la relation médecin-patient. En gros, les cours et tribunaux qui étaient déjà d’avis, avant 2004, que la charge de la preuve incombe au médecin (et qui ont dû modifier leur opinion après l’arrêt de la Cour de Cassation depuis lors), invoquent l’arrêt de 2015 pour reprendre leur opinion initiale. D’autres maintiennent que la décision relative à la relation avocat-client ne peut s’étendre à la relation médecin-patient, et dès lors que le patient doit toujours prouver le manque d’information complète et correcte.

Seul un nouvel arrêt de la Cour de Cassation, cette fois-ci relatif à la relation médecin-patient, est de nature à trancher définitivement la question.

Ceci étant, vu l’incertitude juridique, le médecin doit être vigilent et prévoir des traces de l’information qu’il a donnée au patient. Il peut p.ex. faire des références dans le dossier médical du patient, fournir l’information en présence de témoins, etc.

Inviter la patient à signer un document « consentement éclairé » est tout à fait envisageable étant donné que ce document prouve clairement que le médecin a informé le patient. Par contre, la discussion relative au contenu de l’information devient d’autant plus importante, dans la mesure où le patient peut se baser sur ce document pour prouver le caractère incomplet de celui-ci (p.ex. le fait d’avoir oublié de mentionner une complication). En outre, la loi oblige le médecin de veiller à ce que le patient comprenne l’information qu’il a donnée, ce qui implique une approche personnelle. Un document standardisé ne répond pas à cette exigence. Il faudrait dès lors que le document signé par le patient constitue un complément (et se réfère explicitement) à l’information orale donnée par le médecin au patient.


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